Lotti Ringström

Lotti Ringström peint des fleurs et leurs pétales, parfois une boucle d’écorce d’orange ou un morceau de papier froissé. Traditionnellement motifs de natures mortes, riches en significations métaphoriques, ces choses délicates et abandonnées existent avant tout en tant que réceptacles de lumière - à laquelle elles perdent leur substance. C’est comme si, pour Ringström, le caractère éphémère de la vie - la signification traditionnelle de ce genre - résidait plus puissamment dans la lumière elle-même. C’est dans la lumière, qui donne à chaque chose sa forme et sa visibilité, dans la luminosité de ses motifs et non dans leur matière, que se trouve son véritable sujet.

Les titres de Ringström - la date et le lieu précis de chaque tableau - arrêtent le passage du temps, la trajectoire ineffable et indifférente du passage du soleil dans le ciel quotidien. Ils servent à localiser la particularité du moment et du lieu de la lumière en tant que registre de sensations précises. En cela, elle rappelle les impressionnistes et leur ambition picturale et philosophique. En effet, bien avant de passer la majeure partie de son année sous le ciel provençal, elle s’intéressait à la peinture française - qui, dit-elle, « est une question de surface » - où la présence sensuelle de la peinture devient une métaphore de la matérialité de toute matière. De Watteau à Delacroix, de Manet à Matisse, la peinture française s’est plu à évoquer l’apparence et les sensations du tissu, de la chair, des fleurs, de l’air et de l’eau. Les dernières peintures de fleurs de Manet viennent ici à l’esprit.

Car c’est le caractère poignant de la matière vivante, sa fragilité et sa vulnérabilité que l’on ressent dans les peintures de Ringström. La matière terrestre y est suspendue entre la vie et la mort, la désintégration et le devenir.

L’utilisation de plaques métalliques, qui enregistrent les actions du temps, joue son rôle dans cette transformation métaphorique de la matière ; les plaques s’oxydent, se corrodent selon les lois de la chimie, sont malmenées par les fortunes de la défaveur des sites industriels d’où elles sont récupérées. Cela leur confère, comme l’a observé Sören Engblom, la qualité d’un palimpseste. Mais dans ces transformations, ils ressemblent aussi à la terre qui est le sol littéral dans lequel toute matière doit retourner, et à partir duquel elle tournera, émergera et grandira.

C’est la simplicité et le miracle de ce cycle éternel que Ringström célèbre. Dans les fleurs, dans leur brève vie abondante et rayonnante et dans les pétales qui se déploient et s’épanouissent tendrement, Ringström a trouvé la matière vivante la plus évanescente qui soit pour rendre palpable son sujet, la lumière. C’est ici que nous ressentons le mieux son immanence et sa chaleur - et bien que la matière elle-même désintègre l’énergie de la lumière, comme l’espoir, elle se renouvelle sans cesse.

Ainsi, si les thèmes traditionnels du memento mori et de la brevitas sont présents dans ces peintures, ils évoquent d’autres moments - une danse chorégraphiée dans la lumière, la concision d’un poème haïku, la tendresse d’une prière.

Elisabeth Cross

 

Texte tiré du catalogue de l’exposition : SAMLAT LJUS NORTHERN LIGHTS / GATHERING LIGHT, Moderna Museet, Stockholm, Suède

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